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Alexandre Jollien, une empreinte de vie

 

 

 

 

 

 

« Le défi de notre existence réside dans la difficulté de trouver

notre propre art de vivre au quotidien, sans schéma préétabli Â»

- Alexandre Jollien.

 

 

 

Alexandre Jollien a vécu la majeure partie de sa vie en Suisse, avant de partir pour la Corée du Sud en 2013. Depuis sa naissance il souffre d’athétose, une maladie due à un étranglement par le cordon ombilical à sa naissance. Il s’est fait connaître en 1999 à travers l’ouvrage Eloge de la faiblesse. C’est un philosophe précurseur de la sagesse, ainsi que de la recherche du bonheur et de la cohérence intérieure. Il estime avoir trois vocations : écrivain, père de famille et handicapé. Pour lui, ces vocations sont des vecteurs d’espérance très concrets (Comment rendre les autres plus heureux ?). Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, son handicap a donné un sens à sa vie ; son fils affirme « je n’aimerais pas avoir un papa pas handicapé, car un papa handicapé c’est plus drôle Â».

 

Pour rédiger cet article, j'ai pu m'inspirer de la conférence qu'Alexandre Jollien a donné sur Paris à la fin du mois de septembre et à laquelle j'ai assisté, ainsi que de certains des ses ouvrages et articles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’une des questions fondamentales à résoudre est la suivante : « Comment se libérer du regard d’autrui, du qu’en dira-t-on ? Â». Pour Jollien, ce qui porte atteinte à la relation à autrui c’est avant tout la pression de  conformité, mais aussi l’instrumentalisation de l’autre, le désir de le posséder. Le contact à l’autre est parasité par pleins d’attentes inutiles. D’où le danger de l’essor de l’ « affirmation de soi Â» qui laisse planer la menace d’imposer ses vues à notre entourage au détriment de leurs subjectivités propres.

 

Mais A. Jollien est optimiste, un autre rapport à autrui est possible. Celui-ci ne doit plus être là uniquement pour nous consoler, la relation peut être bien plus riche. La vraie spiritualité est de sortir de cet esclavage quotidien. Pour ce faire, le couple est la meilleure école de la sagesse et un moyen formidable pour construire une nouvelle relation à l’autre. En effet, « ce qui nous libère c’est de prendre le rythme de l’autre et apprendre à savoir attendre Â», confie Jollien. Le vrai rapport à l’autre consiste à le considérer comme un coéquipier et non comme un concurrent.

 

Alexandre Jollien fait l’apologie de la gratuité des contacts avec autrui. Il importe également d’observer les autres et de mieux cibler leurs besoins. Il ajoute que « nous sommes ce que nous contemplons Â». Ce qui signifie qu’il faut apprendre à regarder les gens heureux, les gens qui vont bien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S’inspirant de sa propre expérience, Alexandre Jollien constate que nous sommes tous frères au-delà des particularismes culturels, ethniques ou religieux de chacun. Nous avons Â« les mêmes interrogations sur la vie, les mêmes angoisses sur notre existence, les mêmes peurs sur l’avenir, les mêmes pressions sociales Â».

 

Pourquoi Alexandre Jollien est-il parti « s’exiler Â» en Corée du Sud ? Il explique qu’en Extrême-Orient, le chaos ne fait pas peur, que la paix se trouve dans le chaos. Il est trop compliqué et trop fatiguant de séparer le bon du mauvais. Bouddha dit que tout est souffrance (« vanité des vanités, tout est vanité Â»). Alexandre Jollien fait preuve d’un détachement surprenant vis-à-vis de sa condition, de son handicap. Ce qui le console, c’est qu’il ne peut être guéri. Avec beaucoup d’humour, il estime à ce sujet : « je suis peinard Â». Il faut savoir se résigner face à certains raz-de-marée de l’existence. Mais cet abandon n’est pas de l’inaction, mais plutôt « un court-circuitage du mental qui nous condamne à l’insatisfaction Â» nous dit A. Jollien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour sortir du narcissisme et de l’individualisme, A. Jollien recommande d’épouser la joie plutôt que la privation. Lors de la conférence, il a relaté une expérience qu’il avait vécue au cours de ses premiers mois en Corée du Sud, une douche qu’il avait pris avec un ami coréen. Là-bas, la nudité ne pose aucun problème, au contraire de nos sociétés occidentales épurées. A. Jollien a ainsi pu prendre conscience que le corps est quelque chose de beau et que nus sommes tous fait pareil. Il reconnaît aujourd’hui que cette expérience est un des plus beaux cadeaux de sa vie et qu’elle l’a sorti de sa mécompréhension de l’autre, par plus de simplicité dans son rapport à autrui. « L’ange gardien était là où je ne l’attendais pas, sous la douche Â» constate-t-il avec amusement aujourd’hui.

 

Enfin, Jollien dissocie l’espérance de l’espoir, en précisant que l’espérance est ouverte, qu’elle est sans objet. C’est la principale différence avec l’espoir, qui peut tuer tout esprit d’ouverture, car il est bien plus subjectif. Alexandre Jollien affirme dans ce sens : « Je n’espère pas guérir du handicap. J’ai l’espérance de vivre heureux grâce à mon handicap, car devant la maladie on ne peut pas mentir Â».

 

 

 

Malgré sa maladie de naissance incurable, Alexandre Jollien possède un regard constructif et optimiste sur l’existence de l’être humain. Mais il ne se contente pas de contenir sa souffrance intérieure et physique, il nous donne des pistes pour mieux appréhender notre rôle dans la société et pour participer à la construction d’un monde plus coopératif, plus simple et moins pressé par le temps.

 

Au final, il avance que la vie spirituelle permet de s’apercevoir qu’il n’y a rien à gagner ni à perdre dans la relation avec l’autre. Ainsi, tout ce qui survient dans la vie n’est que bonus. Il ne faut pas se fixer d’objectifs trop structurants au cours de notre existence, car ils génèrent énormément de stress et nous empêchent de profiter des petites joies de l’instant présent. En conséquence, la philosophie d’Alexandre Jollien n’est pas une philosophie de l’inaction, car il ne prétend pas méditer pour son bien-être, mais plutôt pour servir ses trois vocations (écrivain, père de famille et handicapé) à travers de nombreux projets.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De Corentin Gobé,

le 9 octobre 2014

La philosophie d'Alexandre Jollien accorde une importance prépondérante aux rapports avec autrui. Selon lui, plus on est dépendant de l’autre, moins on l’aime. L’art de l’abandon qu'il préconise correspond au fait de devenir plus solitaire. Cependant, Alexandre Jollien est conscient du risque de s’enfermer sur soi-même en adoptant une telle posture, ce pourquoi il dit qu'il ne faut pas vivre en ermite, mais plutôt être moins dépendant de l'autre.

 

D’autre part, il faut parfois savoir couper les ponts avec autrui, dans une logique de purification intérieure. Ainsi, on se rend compte que Â« peu de personnes nous manquent réellement et que beaucoup de nos relations reposent sur des malentendus, à savoir qu’on ne peut trouver véritablement ce qu’on y recherche Â» précise A. Jollien. Mais le philosophe suisse souligne l’importance du contact avec l’autre, en particulier avec notre entourage proche, car celui-ci améliore notre expérience de la vie en parlant de son vécu et en partageant ses observations sur le monde.

 

« La joie ce n’est pas dire qu’il n’y a plus de souffrance, mais c’est être heureux dans sa  souffrance Â», atteste A. Jollien. Ainsi, il faut apprendre à accueillir et à accepter la météo mentale qui change en permanence. Par exemple, il ne faut pas résister à la peine, il faut la laisser passer. Ce qui nous fait mal c’est de focaliser notre esprit sur la douleur, la souffrance et la peine. En se fixant sur un objectif de Â« joie totale Â», nous passons à côté des « petites joies Â». Jollien recommande que même lors de catastrophes ou de décès, il faut continuer à vivre. Le deuil doit permettre d’avancer.

 

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