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De l'obsolescence programmée à l'économie circulaire

 

 

 

 

De Corentin Gobé,

le 9 février 2014

 

 

 

 

 

 

« Le développement de l’économie circulaire constituera une étape clé

pour éviter de passer de l’ère de la rareté à celle de la pénurie Â» - Nicolas Hulot.

 

 

Dès les années 1950, Brook Stevens estimait qu’une entreprise pouvait augmenter ses profits en provoquant volontairement l’obsolescence d’un produit. Il semble que les prédictions de Stevens aient eu un large écho dans les économies occidentales.

 

Mais l’obsolescence programmée n’est pas une fatalité, pas plus que l’économie circulaire ne doit être perçue comme un simple concept cognitif.

 

Le véritable obstacle à l’essor d’une économie circulaire réside sans nul doute dans nos esprits obsolètes. Mais progressivement, les réflexes de consom’acteurs émergent et se multiplient partout. Toute consommation n’est pas à dénigrer, loin de là. Il faut juste apprendre à consommer autrement.

 

 

 

Ce dont l’obsolescence programmée est le nom

 

Bernard London a mis en avant ce concept dès 1932[1], en tant que moyen pour résoudre la crise de 1929. Mais il est aujourd’hui mal compris par le plus grand nombre, à tel point que la future loi sur la consommation n’en définira pas les tenants et aboutissants. Pour l’ADEME, l’obsolescence programmée correspond à un « stratagème par lequel un bien verrait sa durée [de vie] sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique [et augmentant son taux de remplacement] Â»[2].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Apple est un des « leaders Â» des pratiques d’obsolescence programmée : batterie indémontable, difficultés de se procurer des pièces de rechange pour certains produits, impossibilité de mettre à jour les systèmes d’exploitation pour les modèles anciens, pièces détachées qui changent à chaque génération, etc.

 

 

Eloge de l’économie circulaire

 

Nous sommes à l’apogée d’un modèle productif qui n’est plus tenable, compte tenu des dégradations environnementales qui s’accentuent : raréfaction des ressources naturelles, augmentation exponentielle des déchets ménagers et industriels, épuisement des stocks d’énergie fossile, etc. Sans parler des conséquences sociales et politiques, comme l’accaparement des « terres rares Â»[3] par la Chine, ce qui provoque des tensions géopolitiques de moins en moins latentes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est temps de changer de cap. L’économie circulaire est une alternative crédible, en permettant une production de biens et services qui limite la consommation et l’exploitation des matières premières. Ce système suppose une meilleure régulation des flux de matières en amont de la consommation (production) et en aval (valorisation et recyclage). La mise en Å“uvre de l’économie circulaire ne peut se borner aux matières et aux déchets, elle doit influer sur d’autres thématiques : énergie, eau, etc.

 

Promouvoir l’économie circulaire signifie passer d’un modèle assorti d’une vision court-termiste et finie (produire, consommer, jeter) à une économie à la fois plus sobre et plus dynamique. En outre, c’est une démarche complémentaire aux politiques de transition énergétique.

 

 

Des opportunités économiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce nouveau modèle économique ne peut exister sans l’éco-conception, qui permet d’améliorer la durabilité, la réparabilité et la recyclabilité des produits. Elle minimise également l’emploi de matières rares et de substances dangereuses. La logique directrice de l’éco-conception est de baisser l’empreinte écologique de chaque bien ou service produit.

 

L’économie circulaire est l’illustration par excellence que l’on peut créer de la richesse tout en préservant les ressources naturelles et en minimisant les effets sur le climat. Encore faut-il que la création de cette richesse ne soit plus une fin en soi…

 

 

Vers un Etat proactif

 

Les pouvoirs publics ont un rôle très important à jouer dans l’essor de l’économie circulaire, en particulier par l’intermédiaire des mécanismes de la fiscalité écologique. Ils doivent définir une stratégie et programmer des moyens, à l’instar du Japon qui s’est doté dès l’année 2000 d’une loi-cadre sur l’économie circulaire, qui a organisé une planification par filière et fixé des indicateurs.

 

En France, le Sénat a adopté le projet de loi consommation le mercredi 29 janvier 2014, qui va allonger la garantie des produits de six mois à deux ans. De plus, la loi obligera les producteurs à spécifier la période durant laquelle les pièces détachées seront disponibles, ce qui pourrait devenir un critère d’achat à part entière.

 

D’autre part, il est essentiel que les autorités compétentes durcissent les sanctions à l’égard des producteurs faisant usage de pratiques d’obsolescence programmée ou pour les entreprises, voire même les citoyens, ne respectant pas les consignes de tri. Mais il faut également diffuser plus largement des mesures incitatives, telles que l’affichage environnemental sur les produits, les éco-labels européens et les éco-certifications.

 

 

 

Conclusion

 

La promotion de l’économie circulaire participe à la construction d’une civilisation durable et non de l’éphémère. Certaines mesures très pratiques pourraient être simples à mettre en œuvre, comme par exemple l’harmonisation des couleurs des poubelles des différentes municipalités.

 

L’action locale est au cÅ“ur de l’économie circulaire. Au Japon, le concept de « sound material cycle blocks Â» privilégie la consommation de produits locaux et le recyclage local. D’autre part, le citoyen est le principal acteur de ce nouveau système économique ; par exemple, en France, le site « Garantie5ans Â» présente un large éventail de produits ayant une longue durée de vie.

 

Enfin, l’économie circulaire ne peut à elle seule résoudre tous les défis environnementaux. D’où l’émergence en parallèle du concept de « sobriété heureuse Â»[4], une approche à mi-chemin entre d’une part, les théories de la frugalité et de la décroissance sélective, et d’autre part, le modèle d’ Â« Ã©conomie verte Â» et la « low-carbon economy Â» défendus par les autorités et de plus en plus d'entreprises.

 

 

 

 

 

Notes :

[1] Bernard London, Ending the depression through planned obsolescence, 1932.

[2] ADEME, Etude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques, juil. 2012, p. 15.

[3] Pour plus d’information : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/dossier/0202381528207-terres-rares-le-nouvel-or-noir-510763.php

[4] Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Actes Sud, avr. 2010.

 

 

 

 

Mais l’obsolescence programmée désigne aussi le remplacement d’un produit qui fonctionne encore, par un autre, avec des fonctionnalités et un design différents. Le marketing publicitaire joue ainsi pleinement son rôle sur l’esprit et l’inconscient de chacun, renforçant les pratiques allant à l’encontre de l’éthique environnementale.

Au même titre que la transition écologique, l’économie circulaire pourrait créer de nombreux emplois locaux, et qui plus est dans des filières non délocalisables. Par ailleurs, la mise en place de structures d’écologie industrielle dans les territoires permettrait la mutualisation des flux énergétiques, des ressources consommées et de la gestion des déchets entre entreprises.

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