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Il est rare que les philosophes s’accordent avec ce que leurs sociétés voient et ce que les gens perçoivent en général. C’est la raison pour laquelle leurs opinions et leurs positions suscitent la polémique et le choc. Et Hannah Arendt fait partie de ces philosophes.

 

Aujourd'hui, de grands débats ont lieu autour de cette philosophe à l' occasion d'un film, sorti en 2013, et qui raconte son histoire avec le procès du nazi Adolf Eichmann, accusé d’avoir participé au génocide des juifs sous le Troisième Reich.

 

Il est sûr que ce n'est pas une histoire d'amour mais plutôt une histoire avec la vérité. Or lorsque tout le monde voulait voir en Eichmann une figure démoniaque, Arendt avait plutôt considéré ce fonctionnaire nazi comme un « clown » animé d’une insoutenable « banalité du mal ».

 

De prime abord qui est Eichmann? Il était officier nazi pendant la Seconde Guerre mondial, puis il a pris la fuite avec sa femme et ses enfants vers l’Argentine, où il a vécu 10 ans sous le nom de Ricardo Klément, avant d'être capturé et déporté le 11 mai 1960 par les services secrets israéliens à Jérusalem afin d'y être jugé pour crimes de guerre et d’être exécuté par la suite en 1961.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quant à Hanna Arendt, philosophe juive américaine d'origine allemande, formée avant la Deuxième Guerre mondiale, auprès de ses maîtres à penser que furent Carl Jaspers et Martin Heidegger, devenu son amant. Ensuite, elle dût s'exiler en France puis émigrer aux Etats-Unis pour fuir le nazisme. Elle y publia la première partie de ses écrits sur le totalitarisme et ses origines sous le règne du nazisme et du stalinisme. Elle débarqua à Jérusalem le 10 avril pour suivre le procès d'Eichmann comme correspondante du magazine « The New Yorker ». Elle n’avait plus remis les pieds en Palestine depuis 1935, à l’époque où elle s'était réfugiée à Paris et s'était convertie au sionisme. Elle s'était néanmoins engagée dans le transfert d'enfants juifs européens en Palestine avant de devenir dissidente et une figure importante de la scène intellectuelle américaine.

 

La réalisatrice Margereth Von Trotta s'est focalisée sur le procès d'Eichmann parce que ce dernier représente un épisode emblématique pour illustrer la pensée d'Arendt. Son livre Les Origines du totalitarisme, paru en 1951, avait engagé une réflexion fondamentale sur le national-socialisme, sur un plan relativement abstrait. Mais avec Eichmann, il y avait là une personne vivante, sur laquelle elle pouvait démontrer sa théorie plus concrètement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelles sont les idées qu'on peut tirer de la position d'Arendt à partir du procès d'Eichmann ?

 

Tout d’abord, Arendt n'avait pas considéré le nazisme exclusivement antisémite, mais l'avait plutôt intégré au processus de totalitarisme qui avait envahi l'Europe dans la première moitié du XXe siècle. Ensuite, Arendt avait responsabilisé en partie les institutions juives de l’Holocauste dont les juifs ont été victimes en Allemagne. Puis, et c'est le propos le plus important, son interprétation du crime de l'accusé Eichmann d'une manière authentique, avait remis le concept du « mal » en question. Selon Arendt, le nazi Eichmann est un personnage dépourvu d'intelligence, de ruse, voire un personnage suscitant le comique et l'ironie, à cause de sa faiblesse et de la confusion de ses idées. Pour Arendt, Eichmann faisait figure d'une pensée qui s'activait en vue de ne pas penser, qui mobilisait clichés et formules toutes faites, pour ne pas avoir à réfléchir à ses actes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ce sens, Arendt s'autorisait à en tirer des leçons générales. «Toute la vérité, conclut-elle audacieusement, c'est que si le peuple juif avait vraiment été, désorganisé et dépourvu de chefs, le chaos aurait régné, et beaucoup de misère aussi, mais le nombre de victimes n'aurait pas atteint quatre millions et demi à six millions... pour un juif, précise-t-elle, cette participation des responsables juifs à l’extermination de leur propre peuple, est sans aucun doute, le plus sombre chapitre de cette sombre histoire Â»[1].

 

Ici, suggère Arendt, on aurait pu sauver beaucoup de vies si l'on avait fait preuve de moins de zèle et de plus d'organisation, et si par exemple les personnalités influentes dans les communautés juives avaient lancé un avertissement à temps, et si ces communautés avaient dit aussi ce qu'elles savaient sur la destination des « trains de la mort ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais ses réponses face à ces accusations ont été tranchantes, précisant ainsi que son appartenance à la communauté juive ne relève ni de la haine ni de l'amour. Être juif est « une donnée indubitable » de sa vie pour laquelle elle éprouve de la gratitude et non de l'amour. Car elle n'a jamais aimé de toute sa vie un peuple plutôt qu'un autre : ni le peuple allemand, ni le peuple français, ni le peuple américain, ni la classe ouvrière. « Je n'aime effectivement que mes amis parce que le seul amour que je connais et dont je suis convaincue, c'est mon amour pour les personnes, car cet amour des juifs me paraîtrait plutôt suspect »[3], dit-elle.

 

Par-là, Hannah Arendt transforme le concept du mal, autant qu'elle restitue le concept de l'amour à sa terre et à sa réalité. Le vrai amour tombe, enfin de compte, sur ce qui est sensible, concret et vivant, c'est-à-dire, qu'il s'incarne dans la relation avec autrui. Quant à l'amour des peuples et des patries, en tant qu'idoles ou vérités transcendantes, aboutit à l'intégrisme, au racisme et à l'extermination de l'Autre. C'est pourquoi Arendt accepta la pendaison d'Eichmann, parce que ce dernier n'acceptait, par ses vues génocidaires, de voir prospérer sur le territoire allemand que l'allemand et personne d'autre.

 

Ses positions attestent de leur crédibilité de ce que les sionistes ont fait subir aux autres ce que eux même avaient subi auparavant puisqu'ils exploitent l’Holaucoste, dont les juifs d'Europe furent victimes en Allemagne, en s'identifiant aux mêmes valeurs de bourreau ou bien passer du rôle de l'agressé à celui de l'agresseur en perpétrant, jusqu’a' présent, toute sorte de terrorisme d'Etat contre les droits du peuple palestinien à travers l'accusation de celui-ci par le principe d'antisémitisme.

 

 

 

 

Notes :

(1) Martin Legros dans un dossier spécial sur H.Arendt in philosophie magazine nu.69 mois de mai 2013 p.50 voir en détail sur l'Antisémitisme.H.Arendt éd.Calmann-Lévy nouvelle éd.2002

(2) ré. ibid

(3) ré.ob.cit.p.51

 

 

 

 

Hannah Arendt et la banalité du mal

En outre, ce qui a attiré l'attention d’Hannah Arendt dans la défense d'Eichmann, c'était lorsqu'il disait qu’il ne connaître que le langage administratif et que ce dernier le poussa à exécuter les ordres en tant que loi incontestable. Arendt poursuit son idée ainsi : chaque fois qu’Eichmann voulait réfléchir, il pensait immédiatement à son métier, c'est-à-dire il ne réfléchissait qu'en tant qu'être soumis à sa fonction, et c'est en cela que réside son incapacité à construire des jugements éthiques. Eichmann apparaît donc pour Arendt non comme un « Méphisto » qui aurait vendu consciemment son âme au diable, mais plutôt comme un bouffon absolument incapable de réfléchir, un banal pantin soumis à l'autorité. Cependant ce qui frappait Arendt chez le coupable, c'était un manque de profondeur tel qu'on ne pouvait pas déchiffrer le processus par lequel il organisait ses actes, et ce jusqu' au niveau le plus profond des racines et des motifs.

Selon Arendt, le peuple juif aurait mieux fait de s'abstenir à l'ordre, cela aurait permis de sauver plus de vies humaines et de préserver son intégrité morale. C'était la seule manière de contrer, de s'opposer à la machine très efficace, fondée sur l'effacement calculé et intentionnel de la frontière entre bourreaux et victimes. Alors le fait que la majorité des élites européennes juives et non juives ait au contraire accepté de coopérer prouve, pour Arendt, que les nazis ont réussi à provoquer « l'effondrement moral de la société européenne responsable, aussi bien chez les bourreaux que chez les victimes »[2].

Il est naturel que ces jugements décisifs aient provoqué un grand choc et des réactions vigoureuses dans les milieux juifs. On a pu interpréter la position d'Arendt comme la défense du nazi Eichmann et on la traita de souffrante d'une haine de soi et de sa judéité. Pour d’autre, son problème viendrait d'un oubli de ce qu'il y a dans la langue juive, quelque chose que les juifs appelé « ahbbat Israêl », « l'amour pour les juifs ».

 

 

 

 

De Grégoire Marcho,

le 30 avril 2014

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